La police de l'esprit


Jim Keith, Mass Control,
"Une planète, un cerveau",
Copyright 1999, 2003
Traduction T.G. 2010

Publié avec l'aimable autorisation de l'éditeur.



Dans les années 1930, l'agent de renseignements britannique et théoricien de la mondialisation H.G. Wells proposa un plan de contrôle de l'esprit qui arrive apparemment à maturité actuellement, à l'aube du XXIème siècle, avec le développement d'Internet. En 1936, au cours d'un discours devant l'Institut Royal des Affaires Internationales, Wells exposa sa conception d'une « Encyclopédie Mondiale ». Wells dit:

« Je veux proposer quelque chose comme une nouvelle organisation, une nouvelle institution, que je souhaiterai pour le moment appeler l'Encyclopédie Mondiale... Cette Encyclopédie Mondiale serait un environnement mental pour tous les hommes intelligents du monde... Une telle Encyclopédie aurait, pour la culture mondiale, la fonction d'une sorte de Bible non dogmatique. Elle ferait simplement ce que nos organisations actuelles, morcelées et sans orientations ne réussissent pas à faire. Cela relierait mentalement le monde entier... Cela obligerait les hommes à s'entendre entre eux... C'est une super université. Je suis la pensée d'un cerveau mondial, rien de moins... Au final, si nos rêves se réalisent, cela exercera une forte influence sur toute personne qui contrôle l'administration, mène les guerres, dirige le comportement des masses, nourri, déplace, affame et tue les populations... Vous voyez à quel point une telle organisation se répandrait comme un réseau de nerfs, un système de contrôle de l'esprit de la terre, reliant tous les travailleurs intellectuels du monde par un intérêt commun et une unification par la coopération et un sens croissant de leur propre dignité, informant sans propagande, dirigeant sans tyranniser. » (avec la livre sterling comme monnaie unique n.d.t.)

Wells était un peu plus candide dans ses notes privées écrites à la même époque: « Les universités et les organisations intellectuelles associées partout dans le monde devraient fonctionner comme une police de l'esprit. » 1

La police de l'esprit est précisément le danger d'Internet. Bien qu'à première vue la perspective d'un moyen de communication égalitaire par sa capacité de servir aussi bien les individus que les monopoles des média semble excitante, la liberté apparemment offerte par Internet sera peut être transitoire … et illusoire.

Un des problèmes est que, si d'une part Internet permet de disséminer largement de l'information presque instantanément, d'autre part, du fait de sa flexibilité, Internet a aussi la possibilité de littéralement dévorer toutes les sources majeurs d'informations de la planète. Avec ces liaisons de haute technologie et ces interfaces il est très vraisemblable que la télévision, la radio, les médias informatisés, et les supports imprimés seront absorbés dans la gueule de ce que l'on appelle Internet. Toutes ces sources d'informations et de communications sont petit à petit reliées en un seul réseau informatisé, ce qui offre la possibilité d'un contrôle occulte de ce qui sera diffusé, ce qui sera dit, et finalement de ce qui sera pensé.

Internet offre la possibilité de surveiller pratiquement instantanément le contenu des communications. Il est possible que la 'nouvelle, et largement ouverte, nouvelle frontière' de l'Internet, telle qu'elle existe actuellement, sera une affaire temporaire, et qu'émergera un programme de surveillance et de règlement croissant, ainsi qu'un usage plus agressif du contrôle de l'esprit, comme le prévoit le Docteur Persinger.

Lorsque NBC et Microsoft se sont associés pour former MSNBC, dans une tentative de lier la télévision et internet, le présentateur et membre du CFR, Tom Brokaw, a dit « Nous ne pouvons pas laisser cette génération et toute une partie de la population simplement consulter internet et récupérer l'information qu'elle veut sans être impliquée dans cette information. » 2

En Chine, ils ne se sont pas tus en ce qu'ils considèrent la nécessité de contrôler internet. Xia Hong, un partisan de la surveillance d'internet par le gouvernement, a dit « Internet a été une innovation technique importante, mais nous avons besoin d'y ajouter un élément important qui est le contrôle. La nouvelle génération d'autoroute de l'information nécessite un centre de contrôle du trafic. Il a besoin de patrouilles: les utilisateurs auront besoin d'un permis de conduire. Ce sont les pré-requis minimum pour un environnement contrôlé. » 3

Est-ce que l'idée d'utiliser Internet pour augmenter la surveillance publique est simplement une idée paranoïaque de ma part? Dans ce cas nous devrions examiner qui contrôle actuellement ce média: les agences de renseignements américaines. Actuellement le point de contrôle principal d'internet est constitué par le monopole de l' « enregistrement de nom de domaine », qui est la clé d'accès au large champs de l'Internet. Ces noms de domaine sont enregistrés en tant qu'adresse IP qui étaient fournies, jusqu'à récemment, par Network Solutions Inc une subdivision de la Fondation Nationale pour la Science, qui est financée par le gouvernement. L'enregistrement des IP par Network Solutions était un service public gratuit. Ceci n'est plus le cas.

Le long bras des renseignements américains a finalement saisit ce flux libre de l'information. L'enregistrement des noms de domaine commence maintenant à cinquante dollars par an, et ceci depuis l'achat de Network Solutions par Scientific Applications International Corp, un groupe dont nous avons déjà parlé dans ce livre pour sa relation avec le suicide de masse, ou le meurtre, du Heaven's Gate.

L'entreprise SAIC fait partie du complexe militaro-industriel avec ses vingt-milles employés et 90 % de ces 1,9 milliards de dollars de revenus (1994) qui sont obtenus de contrats gouvernementaux. Parmi les 23 membres du conseil de SAIC on compte l'Amiral Bobby Inman, ancien Sous-Directeur de la CIA et chef de la NSA, Melvin Laird, ancien secrétaire à la défense du Président Nixon, Le Général Max Thurman qui commanda l'invasion du Panama. D'autres conseils de SAIC comportaient Robert Gates, ancien Directeur de la CIA, le secrétaire à la Défense William Perry et le Directeur de la CIA John Deutch.

Parmi les projets que SAIC a développé récemment il y a la création et l'implantation de technologies pour le Système Global de Commandement et de Contrôle de l'Armée (Army Global Command and Control System), la rénovation du système informatique et de communication du Pentagone, et l'amélioration des bases de données de la police nationale, d'état et locale. En d'autres mots, SAIC est impliquée dans l'amélioration et l'intégration de l'infrastructure informatisée de ceux qui nous gouvernent. Et maintenant SAIC se tient aux portes de l'Internet. D'après le chercheur Jesse Hersh:

« Le complexe militaro-industriel était le terme utilisé pour qualifier l'élite au pouvoir pendant les années 1950-1960. Néanmoins, du fait de la forte pénétration de la télévision pendant les années 1960 et de la prolifération des médias informatisés au cours des années 1970 et 1980, ce complexe s'est fondu dans pratiquement tous les rouages de notre société. L'économie de guerre a été transformée avec succès en économie de l'information. La technologie militaire et les systèmes de communication militaires opèrent et contrôlent maintenant pratiquement toutes les relations sociales et politico-économiques. Cet amalgame de média et conglomérat des pouvoirs est actuellement présenté au 'consommateur' comme étant les Autoroutes de l'Information 'd'Internet'. » 4

S'il semble peu probable que Big Brother se tracasserait pour les communications des citoyens ordinaires sur Internet, il faut comprendre que le gouvernement est déjà engagé dans la supervision des communications civiles et pour les affaires à une échelle gigantesque. Partout dans le monde les messages électroniques sont interceptés par le réseau nommé ECHELON, fruit d'une collaboration de plusieurs agences chapeautées par la NSA. Fondé sur la base d'un accord titré « Accord UKUSA » qui fut signé en 1948 par les gouvernements U.S., du Royaume Unis, d'Australie, du Canada et de la Nouvelle Zélande, ECHELON est un système comportant des stations de réception basées à Yakima, état de Washington, Sugar Grove, état de Virginie Occidentale, Norwenstow à Cornwall en Angleterre, Waihopai en Nouvelle Zélande et Geraldton en Australie.

Les stations de réception du réseau ECHELON scrutent les médias électroniques du monde entier. ECHELON cible en priorité les communications nationales non militaires et les communications d'affaires, y compris les email, le téléphone, le fax et les réseaux de telex. L'interception a lieu principalement par la surveillance des communications des satellites appartenant aux entreprises internationales de téléphonie, des communications civiles par satellites et des communications qui sont transférées des câbles sous-marins vers les émetteurs radiofréquences.

ECHELON utilise des ordinateurs munis de la reconnaissance des symboles et de la voix pour scruter des millions de messages à la minute, et pour identifier des mots clés et des phrases, qui comportent des noms d'entreprises, des adresses email, des numéros de téléphone et de fax qui ont un intérêt pour une des agences de renseignements participantes. Lorsque ces phrases sont trouvées, les communications concernées sont extraites et elles sont envoyées pour analyse dans le pays intéressé. D'après les analystes, Amnesty Internationale et Greenpeace ont été parmi les cibles de ECHELON.

« Laissez moi le présenter ainsi », dit un ancien officier de la NSA: « Considérez que n'importe qui puisse entrer un mot clé dans un moteur de recherche du Net et qu'il récupère des dizaines de milliers de réponses en quelques secondes. Il faut comprendre que les personnes qui travaillent de l'autre côté ont des possibilités dépassant largement ce que vous faites. » 5

L'assimilation graduelle et le contrôle de toutes les communications, et en définitive la totalité des transactions, incluant celles provenant des perceptions et des pensées, est une stratégie de long terme des contrôleurs qui a été facilité dans les dernières années par la création des disciplines complexes de la cybernétique. Maintenant, avec la cybernétique, le contrôle de masse existe bel et bien. Elle mange notre liberté jour après jour comme un mégalo virus.

Le terme cybernétique fut inventé par Norbert Wiener, un professeur de mathématiques du MIT qui fut impliqué dans ce qui était appelé la Recherche Opérationnelle et la Dynamique des Systèmes au service de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre Mondiale.

La cybernétique est avant tout une théorie de la science de l'information, et elle est utilisée actuellement dans le monde entier. Cette théorie fut d'abord prévue pour mener les guerres avec précision, mais l'expérience montra que les connaissances et les prévisions, qui étaient d'une nécessité vitales pour mener la guerre, étaient essentiellement identiques à celle utilisées par les gouvernements en temps de paix. L'approche cybernétique mena au développement de groupes multidisciplinaires tels que RAND corporation, Mitre et Ramo-Wooldridge (qui devint TRW), qui imaginèrent finalement une manière de contrôler la société, et la nature elle-même, par la cybernétique.

La cybernétique est aussi à l'origine de la création de l'Agence Nationale de Sécurité (NSA), qui est aujourd'hui la plus grande agence de renseignements de la planète. Ceci montre l'importance de l'information pour les Contrôleurs.

D'après un des créateurs de la cybernétique, Jay W. Forrester,

« Le champs de connaissances dénommé dynamique des systèmes (ou cybernétique) s'est développé lors des 35 dernières années, et elle regroupe une communauté internationale (de chercheurs) grandissante. La dynamique des systèmes combine la théorie, les méthodes et la philosophie nécessaires pour analyser le comportement des systèmes, non seulement de management, mais aussi concernant les changements de l'environnement, la politique, l'économie, la médecine, l'ingénierie et d'autres domaines d'intérêt. La dynamique des systèmes fournit une base commune qui peut être appliquée là ou nous voulons comprendre et influencer la manière dont les choses évoluent dans le temps. »

Une expérience de cybernétique fut menée en 1971, après l'élection en tant que Président du Chili, du dirigeant marxiste, le Docteur Salvador Allende. Comme l'avait fait Castro auparavant, Allende prépara la nationalisation de l'industrie, des banques et des grandes entreprises du Chili. Mais Allende n'était pas bêtement primaire et il représentait donc un danger pour les dirigeants du monde. Il demanda au cybernéticien anglais Stafford Beers de trouver les moyens de gérer dans le détail le pays, qui est riche en ressources naturelles, mais qui a été épuisé par les puissances industrielles dominantes qui laissèrent très peu de revenus au pays.

Beer réunit un groupe très qualifié de savants cybernéticiens et lança un projet nommé Projet Cybersyn, dont l'objectif était, d'après Beers,

« D'installer un premier système d'information et de régulation de l'économie industrielle qui démontrera les principales capacités d'une gestion par la cybernétique et commencera à aider à la décision dès le 1er mars 1972... C'était une grosse application de collecte cybernétique d'information pour aider chaque industrie et chaque manufacture à surveiller son activité à partir d'un point central. Toutes les communications étaient centralisées. »

Le Projet Cybersyn utilisait trois composants principaux:

- Cybernet, qui était une sorte de précurseur de l'Internet, un moyen permettant aux hommes d'affaires et au gouvernement de communiquer et de consulter n'importe qui sur cette toile.
- Cyberstride étaient les programmes nécessaires pour surveiller individuellement les entreprises ainsi que la globalité de l'économie et qui fournissait aussi des alertes lorsque des domaines spécifiques nécessitaient une amélioration ou étaient en danger.
- Chaco, un modèle informatisé de l'économie chilienne qui fournissait des simulations et des scenarios possibles.

L'objectif de Cybersyn était de surveiller, analyser et prévoir l'économie chilienne, de lever les problèmes pour en faire une machine efficace, d'une manière très semblable à ce qui est fait dans beaucoup de pays du monde aujourd'hui.

Le problème c'est que Cybersyn aurait peut être fonctionné trop bien et il posait un problème au monde capitaliste. La version de démonstration qui était prévue par Allende et Beers aurait put être l'occasion d'une coup d'éclat extraordinaire pour le monde communiste. On dit que Henry Kissinger aurait été un de ceux qui souhaitaient mettre fin à cette expérience géante. Salvador Allende fut assassiné par des Chiliens, qui sont considérés comme ayant été sous contrat de la CIA, et Cybersyn fut abandonné.

La CIA semble avoir su précisément ce qu'elle faisait, car il y a des éléments qui montrent qu'elle se concentrait aussi sur la cybernétique à la même époque. J'ai rapporté dans mon ouvrage d'anthologie Secret et Eliminé (Secret and Suppressed) les propos d'Anna Keeler:

« Richard Helms, au milieu des années 1960, lorsqu'il était Directeur des Plans de la CIA, écrivit à propos d'un tel système. Il parla de l'approche sophistiquée du codage de l'information à transmettre dans les populations ciblées' dans la 'bataille pour les esprits des hommes et des femmes' et d'une 'approche intégrant des recherches en biologie, sociologie et physique-mathématiques dans le but de contrôler le comportement humain.' Il trouva particulièrement intéressant l''utilisation des théories modernes de l'information, théories de l'automatisation, et les concepts de retour d'information... pour une technologie de contrôle du comportement... utilisant des flux d'informations comme éléments déclenchants... »

Ailleurs Helms écrivit, « La Cybernétique peut être utilisée pour modeler le caractère d'un enfant, l'apprentissage de connaissances et de techniques, l'accumulation d'expériences, la mise en place de comportements sociaux...toutes fonctions qui peuvent être résumées comme étant des processus de contrôle du développement de l'individu. »

La cybernétique et Internet, autrement dit, la vision de la mondialisation de H.G. Wells, vise à créer un monde régulé par les interventionnistes, si finement réglé que la plupart des machinations qui sont activées derrière la scène ne sont pas visibles de l'homme de la rue. Parmi les stratégies de contrôle qui peuvent être, et sont, employées par les élitistes d'un monde cybernétique, on note le contrôle de la nourriture, des réserves monétaires, de l'énergie, et de l'opinion publique. L'attention de l'administration Clinton envers les médias et les sondages d'opinion et leurs manipulation sont essentiellement une approche cybernétique primitive qui permet aux institutions américaines un fascisme cybernétique mou ou les interventions violentes sont rarement nécessaires et en apparence uniquement pour des raisons d'ordre public.

Les techno-fascistes approchent de leur but et l'on peut-être déjà atteint. Non seulement les agences gouvernementales ont actuellement la capacité de surveiller les ordinateurs et les communications médiatiques, ainsi que la réponse émotionnelle de l'électorat par les sondages et d'autres techniques, ils ont aussi la possibilité et la volonté d'utiliser les médias pour laver nos cerveaux, pour changer notre opinion s'il l'estiment nécessaire et de nous dire tout au long du chemin d'aller au bout des choses. Comme cela est tourné en ridicule dans des ouvrages tels que le Rapport de la Montagne de Fer (Report From Iron Moutain) et Des Armes Silencieuses pour des Guerres Tranquilles (Silent Weapons for Quiet Wars), l'approche cybernétique pour la gouvernance mondiale peut amener à un contrôle parfait. En extrapolant la progression qui s'accélère depuis un siècle, il semble évident que, sauf si les amoureux de la liberté agissent, et agissent vite, au cours des vingt prochaines années, l'élite dirigeante aura effectivement prit le contrôle total des corps et des esprits de l'humanité. 6



Notes:
1 Wells, H.G. Cité dans White, Carol. The New Dark Ages Conspiracy. New York: The New Benjamin Franklin House, 1980.

2 Brokaw, Tom, citté dans Pouzzner, Daniel. The Architecture of Modern Political Power, http://www.mega.nu/ampp/

3 « The Great Firewall of China » by Geramie R. Barme and Sang Ye, Wired Magazine.

4 Hersh, Jesse, « The Internet Complex », Prevailing Winds, number 4; King, Bradley J., « Doubleplusungood! The Specter of Telescreening », anciennement sur www.paracope.com

5 Hagar, Nicky, « Exposing the Global Surveillance System », Covert Action Quarterly online, consultable sur http://www.c4i.org/erehwon/echelon.html ; Vest, Jason, « Listening In », Village Voice, 12-18 août 1998; « Spies Like Us », Connected, 16 décembre 1997, consultable sur http://whatreallyhappened.com/RANCHO/POLITICS/ECHELON/echelon.html ;

6 Helms, Richard, cité dans Bowart, Walter. Operation Mind Control. New York: Dell Books, 1978; Friedman, George and Meridith. The Future of War – Power, Technology, and the American World Dominance. 1996; Beer, Stafford. Brain of the Firm. 1986; Wiener, Norbert. The Human Use of Human Beings – Cybernetics and Society. 1954; Silent Weapons for Quiet Wars, Secret and Suppressed, ed. Jim. Keith, Feral House.